mardi 18 mai 2010

L'inspiration matinale

Ce matin, Michel Barnier a chatouillé mon imagination. Il faut le faire ! Grâce à lui, se sont dessinées des images de salles d’accouchement où les sages-femmes sont remplacées par de tristes huissiers, où les nourrissons sortent du ventre de leurs mères la mine contrite, leurs petits ongles mous déjà rongés. J’ai imaginé des parents inventer tous les subterfuges possibles pour que leur enfant demeure planqué, retardant autant que possible leur arrivée au monde. J’ai vu des bébés dans leurs poussettes obligés de sympathiser avec le bonhomme vert gazon de la pub, celui qui veut nous faire croire que prendre un crédit est l’une des choses marrantes de la vie.


Michel Barnier a en effet déclaré ce matin sur France Inter que chaque enfant naissant dans l’hexagone aujourd’hui avait au-dessus de la tête l’ombre noirâtre d’une dette de 20 000 euros. Déprime. C’est pourtant moins, je le déduis sans peine, qu’un nouveau-né grec ou espagnol mais tout de même ! Le pire est que si l’on table sur le fait qu’au minimum les vingt années suivantes, le mioche ne produit aucune richesse et se concentre pathétiquement sur leur petite existence, le gouffre béant de la dette s’agrandit comme l’ouvrage d’une saleté de mite dans un pull préféré.

Ce matin, Michel Barnier m’a déprimée. A-t-il supputé que l’on devrait mettre au travail ces pauvres enfants qui ont pris le pli de vivre simplement leurs tendres années, ces fainéants !

Heureusement, loin d’une interview politique d’une matinale radiophonique, les usagers du bus me réconcilièrent avec la vie. Il y avait, ce monsieur dans ma diagonale qui lisait un poche de Brèves de comptoir et qui partit tout seul dans un fou rire qui dura l’éternité ou quasi : la durée d’un feu rouge. Et puis cette ado, sosie d’Ellen Page dans Bliss et sa copine rondelette lui tenant son miroir de poche à niveau d’yeux. Elle s’appliquait consciencieusement, du haut de ses 14 ans ¾, du crayon noir à l’intérieur de l’œil, achevant en cachette d’une quelconque autorité son look de petit bout de femme sombre.

Tu as raison, profite, pensai-je, je ne te parlerai pas de la dette, ni moi, ni personne. Concentre-toi sur un détail aussi insignifiant qu’un trait de khôl. Le reste attendra.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire