mardi 6 avril 2010

Le vieux briscard

J'aime les personnages que l'on pourrait croire extraits des pages d'un roman ou d'une pièce de théâtre. Celui avec lequel je partageais mon déjeuner en était sans conteste échappé.

Nous avions eu seulement quelques échanges téléphoniques mais je sentais poindre derrière le combiné un zeste d'excentricité et un dédain amusé des conventions. Si, si, je peux ressentir tout ça à travers un téléphone. Il faut dire que dans un univers généralement policé, la moindre pointe de subversion est une claque dans la figure.

Il avait un je ne sais quoi de Jean-Claude Brialy, peut-être le regard rieur un peu fou.
Nous l'attendions et il arriva, le sac à dos lourd de documents, une minerve au tour du cou. Il s'assit et commanda un petit blanc désaltérant tandis que face à lui nous sirotions de sages coca light.
Il se décrivit en utilisant les mots des autres : "voilà ce que je suis lorsque j'écoute autour de moi"... A nous de choisir le vrai de la rumeur infondée, semblait-il nous affirmer, goguenard.

Il dévora frites et tartare, postillonnant à tout va et évitant allégrement tout sujet trop sérieux.
L'apothéose ? Lorsqu'il extirpa de ses papiers deux feuilles au format A4 couvertes de photos.
Sur l'une le minois d'un chat. Sur l'autre, la tête d'une jument blanche passée par la fenêtre d'une maison percheronne. "Elle adore le chat et la maison et nous fait souvent pareils coucous".

Nous fîmes tout de même affaire. Au milieu de ce n'importe quoi, surgit tout de même le pourquoi de notre présence. Au milieu d'une folie douce oxygénante.

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